carine
Les symptômes invisibles de la SEP... mon petit guide

"Bonjour Madame, je suis content d'avoir de vos nouvelles, comment allez-vous ?"

J'ai levé un sourcil en répondant avec surprise. Bien sûr, j'avais téléphoné moi-même au bureau du notaire, mais l'employé - de si bonne humeur à l'autre bout du fil - me semblait un parfait inconnu.

Il ne m'a pas embarrassée davantage, il a écouté patiemment ma demande et m'a donnée les conseils nécessaires en parlant assez rapidement.

Je n'ai rien compris.

J'entendais des sons, mais je ne parvenais pas à analyser le flux de mots dans mon cerveau.

Le fait de tripoter le bouton de volume de mon appareil auditif ne m'a pas aidé non plus ; il ne s'agit pas d'un problème technique, mais d'un dysfonctionnement cognitif.

Embarrassée, j'ai demandé à l'homme s'il pouvait parler un peu plus lentement. Cela m'a aidée, mais j'avais l'impression d'être une parfaite idiote. D'autant plus que j'ai plongé dans mes emails après la conversation et que j’ai découvert que j'avais effectivement eu plusieurs conversations avec cet employé il y a deux ans. Le brouillard s'est progressivement dissipé.

Bon, ça arrive à tout le monde de temps en temps. Mais avec moi, cela arrive assez fréquemment.

Ma mémoire ne fonctionne pas très bien, je le sais depuis des années. Souvent je vais dans la réserve pour prendre quelque chose et quand j'y suis, je ne me souviens plus de ce que je suis venue chercher. Ou parfois je commence à faire plusieurs choses à la fois, sans me souvenir de laquelle j'avais commencé la première. Ce n'est pas vraiment un problème, je vis seule dans une grande forêt et personne n'est dérangé par mes bizarreries. Et pour ce qui est des corvées... à la fin de la journée, tout est plus ou moins en ordre de toute façon, donc là non plus pas de problème. Mais si un autre être humain devait me regarder, il me trouverait toujours un peu étourdie.

Ok, ok, vous ne pensez peut-être pas que c'est la SEP qui frappe à chaque fois. C'est vrai, et je ne le pensais pas moi non plus. Depuis 1989, je suis devenue maître dans l'art d'ignorer les symptômes jusqu'à ce qu'ils me frappent littéralement aux oreilles. Au cours de ces 30 dernières années pendant lesquelles j'ai laissé traîner la maladie, je suis devenue une experte dans la recherche de solutions.

À un moment donné, j'ai relevé le défi de retourner à l'école dans le cadre de l'éducation pour adultes, sachant pertinemment que ma capacité d'apprentissage avait diminué. En cette période, j'ai lu une brochure intéressante intitulée "SOS, mon cerveau est trop petit" et grâce à ça, j'ai appris à travailler et à étudier avec des cartes mentales. En créant ces cartes mentales artistiques, pleines d'humour, j'ai transformé le matériel d'apprentissage de ma mémoire à court terme en mémoire à long terme. Pendant l'examen, je visualisais la carte mentale et suivais la piste, en la voyant clairement devant moi.

Mon audition était également un problème à l'époque, ce qui a fait que je n'étais pas très populaire auprès de mes camarades de classe. Après tout, il fallait faire beaucoup d'efforts pour entendre et comprendre tout ce qui se passait donc, avec les professeurs, je veillais à ce que la classe soit aussi silencieuse qu'une souris... pas vraiment très branchée. 
Il est facile de se faire traiter de "fayotte", alors qu'en fait, j'essayais simplement de survivre.

Certains respectaient ma résistance, d'autres ne comprenaient tout simplement pas. Même des années plus tard, lorsque j'ai décidé de me spécialiser dans la connaissance des plantes, en me formant auprès d'un jardinier professionnel près d'ici. Le propriétaire de ce beau domaine aimait mes efforts et était fan du dictaphone que j'utilisais pour résoudre mon problème d'audition et de concentration.

Malheureusement, j'ai rencontré là aussi des incompréhensions avec les autres. Certains se sont méfiés de ma méthode de travail et ont catalogué mon éthique de travail marquée dans la mauvaise case. Bien sûr, cela en dit plus sur ces personnes que sur moi-même, mais je me retrouve souvent très seule et isolée.

Heureusement, la nature me donne tellement en retour, la paix de mon propre nid vert me rend véritablement heureuse. La forêt a donc été une véritable bénédiction lorsque je m'y suis réfugiée, parce que je ne pouvais plus supporter les stimuli sensoriels de la grande ville, c'était le bon choix. La tranquillité de mon environnement apaise mes sens et sa lente évolution ne cesse de m'étonner.

L'excès de stimuli reste un problème. Je préfère donc communiquer avec d'autres personnes par téléphone, ce qui m'évite de voir la mobilité de la personne en question. La pandémie de coronavirus, et l'isolement obligatoire qu'elle a entraîné, n'a donc honnêtement pas été un désastre pour moi.

Mais bientôt, je vais me remettre à chercher d'établir de nouveaux liens sociaux. Je reste un être humain avec un besoin d'interaction sociale. Faire de nouvelles connaissances n’est pas si simple, il cela exige beaucoup d'empathie et de confiance de la part des autres. Pourtant, le maintien de vos limites reste crucial dans votre propre combat personnel.

Continuez à croire en vous, vous n'êtes pas seuls.

Carine

Sanofi Belgium, MAT-BE-2100439, v1, 06/2021